Au Maghreb ainsi qu’en France, la question de la couleur de peau occupe une place importante pour beaucoup de kafils. Les préjugés et l’appréhension persistent malgré le temps qui passe. Les critères physiques ont-ils vraiment leur place dans le choix de l’enfant recueilli ?
La kafala, malgré les actions menées un peu partout sur le globe, reste un défi pour certaines familles. Vous vous souciez des qu’en dira-t-on et attachez une importance capitale à l’image que renverra votre nouvelle famille, quitte à retarder le processus de kafala. Vous préférez choisir un enfant qui vous ressemble, de la même couleur. La question qui se pose alors est : quelles sont vos réelles intentions ? On peut également se demander quel est le sens réel de la kafala et son but premier. Cet article propose des pistes de réflexion sur le statut de kafil et l’importance ou non de la couleur de peau de l’enfant.
L’objectif de la kafala
Prise en charge totale
La kafala vise en premier lieu à recueillir un enfant qui n’a pas de parents pour s’occuper correctement de lui. C’est l’empathie qui pousse d’abord à prendre cette décision. Venir en aide à un orphelin fait partie intégrante des valeurs que véhicule l’Islam et en tant que musulman, nous nous devons de faire honneur à ces préceptes. Notre prophète ‘Alayhi salat wa salam était lui-même orphelin et a bénéficié de la protection de son grand-père puis de son oncle.
Un kafil s’engage à subvenir à tous les besoins physiques de son protégé et à lui offrir un toit ainsi que sa protection. Et ceci, sans lien de parenté qui pousse en général les parents à vouloir le meilleur pour leur progéniture. Le kafil se doit de répondre aux besoins de l’enfant recueilli sans rien attendre en retour. Il n’a pas à payer pour vos bonnes actions au même titre qu’un enfant biologique n’a pas à montrer quotidiennement sa reconnaissance envers ses parents. Chaque enfant, peu importe d’où il vient, a le droit à une vie décente. En devenant Kafil, c’est le message que vous véhiculerez.
Éduquer
La kafala vise aussi à donner accès aux enfants défavorisés à une éducation de qualité. Que ce soit dans le domaine religieux ou profane, un enfant mérite de recevoir les meilleurs enseignements dans des conditions favorables. Ce droit est indépendant d’une éventuelle envie de se distinguer dans la société. L’éducation dont bénéficiera votre protégé seront des outils afin d’avancer dans ce monde ainsi qu’une source de bienfaits pour la oumma. Cependant, elle ne constitue pas un étendard montrant au peuple votre investissement et votre bagage académique. La kafala, c’est avant tout penser à l’enfant et ses intérêts. Ne perdez pas de vue l’objectif de cette noble entreprise en vous souciant de détails futiles.
La couleur de l’enfant
L’environnement d’origine
Parmi les détails futiles, on retrouve les caractéristiques physiques de l’enfant. La couleur de peau revient souvent dans les critères qui feront basculer la balance. On pourrait justifier la prise en compte de cette caractéristique par beaucoup de fausses croyances. Cependant, la vérité est tout autre. On pense par exemple agir dans l’intérêt d’un enfant en le refusant pour sa couleur de peau. On se dit qu’il a vécu dans un environnement dans lequel il n’a vu que des personnes qui lui ressemblent et sera perturbé s’il intègre une famille d’une autre couleur.
En résonnant de la sorte, on oublie le cadeau qu’on aurait pu faire à cet enfant si on l’avait recueilli chez nous. Si cet enfant est issu d’une culture différente de la vôtre, c’est d’autant plus une richesse. Il sera élevé dans votre culture et vous ne manquerez pas de vous renseigner sur la sienne. Ainsi, l’enfant recueilli bénéficiera d’une triple richesse entre son origine, l’origine de son kafil ainsi que le pays d’accueil.
L’environnement d’accueil
En France et en occident en général, l’adoption est quelque chose d’accepté et qui se fait depuis très longtemps. Ainsi, toutes les craintes liées à la différence de couleur entre votre enfant et vous est encore moins fondée. Que l’enfant ait oui ou non la même couleur de peau ne déterminera pas son bien-être auprès de vous. Ce qui compte c’est la famille d’accueil. C’est à elle de lui donner toutes les armes pour faire face au mauvais comportement des gens qu’il rencontrera.
La France est un pays cosmopolite où toutes les communautés et toutes les origines sont amenées à se croiser et à vivre ensemble. Malgré ce fait, votre protégé pourrait être victime de racisme de la part d’étrangers mais aussi de votre entourage. Cela ne doit cependant pas vous freiner. Ce qui est certain, c’est que l’amour et l’éducation que vous lui donnerez pèseront bien plus lourd dans la balance que tous ces petits inconvénients.
Les intentions
Si vous ne vous reconnaissez pas dans ce que vous venez de lire, peut-être que la raison de votre réticence est bien plus profonde. Beaucoup de kafils se rabattent sur la kafala pour cause d’infertilité. Avoir un enfant qui leur ressemble est un moyen pour eux de vivre une parentalité qui a l’air biologique, ne serait-ce qu’aux yeux des passants. Cela est problématique pour plusieurs raisons et l’une d’elle est l’intention véritable du kafil.
Dans la première partie de l’article, on parlait justement de l’objectif principal de la kafala qui est la prise en charge totale d’un orphelin. Il n’est donc pas question en principe de satisfaire uniquement un désir impossible. Cela pourrait devenir malsain autant pour l’enfant que pour le kafil. En tant que musulmans, nos bonnes actions doivent être exemptes de la moindre mauvaise intention.
La peur du regard des autres
On n’en a pas toujours conscience, mais ce que pensent les autres est un facteur influant sur nos décisions. Cela ne devrait pas être le cas, surtout lorsqu’il s’agit de l’intérêt d’un enfant abandonné. Il n’y a pas de raison à ce qu’un enfant d’une couleur différente de la vôtre soit traité différemment par votre entourage. En vous laissant influer par ces craintes, vous nourrissez le problème et n’apportez aucune solution à ce fléau. Un kafil se doit d’avoir les épaules solides et doit être préparé à tous les obstacles que représentent la prise en charge d’un orphelin et ce, peu importe la couleur de peau.
En conclusion, choisir un enfant qui nous ressemble peut paraître justifié mais finalement c’est rarement le cas. Que ce soit à cause de failles internes ou par peur du regard des autres, rien ne justifie cette discrimination. Si tout le monde pensait de la sorte, beaucoup d’enfants formidables n’auraient pas eu la chance d’être recueillis.